Vitoria, la baie et son hinterland

Mutations urbaines autour de la baie de Vitoria – Brésil

Vitoria, la baie et son hinterland

Vitoria, baie et hinterland – BR-Vitoria

La ville de Vitoria (318.000 hab.) se situe dans un petit Etat côtier du Brésil, Espirito Santo, à l’Est de l’état de Minas Gerais et de ses richesses minières. Capitale de l’Etat, Vitoria concentre une large partie de l’activité économique et des ressources financières de l’agglomération. Son agglomération portuaire et logistique constitue la porte d’entrée et de sortie des marchandises de la région avec une zone d’influence de 700 km allant jusqu’au Minas Gerais.

Le territoire de la ville se trouve limité, d’une part par la mer et la Baie de Vitoria, et d’autre part, dans la partie insulaire, par un massif montagneux imposant. Une grande partie de l’extension de la ville après 1960 a été construite sur des remblais. L’agglomération a connu une croissance rapide dans les dernières décennies et l’espace urbain est depuis longtemps sorti de son site originel, contraignant, pour se développer vers l’ouest, vers le sud, de l’autre côté de la baie, vers le littoral et vers le nord de l’agglomération.

Ces évolutions ont accentué les déséquilibres entre la façade littorale et l’agglomération intérieure. Elles ont accéléré la perte d’attractivité du centre historique de Vitoria et la dégradation de l’environnement. La construction du port industriel de Tubarao (Serra) et le développement intensif du front de mer à Vitoria et à Vila Velha se fait au détriment de l’intérieur (Cariacica, quartiers de Vitoria et de Vila Velha, port de Vitoria). Le transfert des fonctions supérieures vers le quartier d’Enseada do Sua e Praia do Canto (Vitoria) a pour corollaire la dévitalisation du centre historique. Le re-développement portuaire dans le centre-ville et autour de la Baie et l’étalement urbain contribuent à porter atteinte au paysage et à fragiliser les milieux, notamment la mangrove et les mornes. Le développement des ports rencontre des freins importants.

L’espace urbanisé de Vitoria et des trois communes avoisinantes, Serra, Cariacica et Vila Velha, forme aujourd’hui une agglomération maritime de 1,4 millions d’habitants autour du centre de Vitoria et de sa baie. Ces quatre villes étaient au début du 20è siècle quatre communes distantes entourées et/ou ayant la baie comme point de référence. Puis, avec l’accroissement de la population et l’expansion des villes, la baie est maintenant enserrée dans le tissu urbain quasi continu, formé par un étalement urbain non contrôlé et par opportunités, sans cohérence globale. Malgré cela, elle reste un des éléments marquants, avec sa mangrove et ses écosystèmes côtiers, où se déversent de nombreux cours d’eau. Les aspects physiques, les modes d’occupation et d’habitat de cette baie sont semblables de part et d’autre de la rive. Les questions environnementales sont dans cette région associées aux inégalités socio-économiques et aux inégalités territoriales.

XVIème – XVIIème : Les indiens, les colons et le fleuve

Vue vers la baie et les mornos

Vue vers la baie et les mornos © Christian HORN, 2009

Jusqu’au XVIème siècle, le territoire était peuplé uniquement par des tribus indiennes. Puis viennent les colons portugais qui s’installent d’abord à Vila do Espírito Santo (l’actuelle Vila Velha). Puis les Jésuites développent des fazendas au Nord et au Sud de la baie. Le siège de la colonie se déplaça sur l’île de Vitoria au XVI siècle. L’activité était intimement liée aux rivières et à l’accès à l’océan. Les fazendas ont ensuite étendu leur influence, avec notamment la pratique de l’élevage et les plantations : canne à sucre, manioc, maïs.

XVIIIème – XXème siècle : le café et le développement du port

Pendant le Cycle de l’Or (jusqu’a la fin du XVIIIe siècle), le port de Vitória ne se développe pas car toute l’extraction d’or est obligatoirement exportée par les ports de Rio de Janeiro, où un impôt spécial était prélevé par la couronne – le quinto. A la fin du XIXe siècle et au début du XXème siècle le port commence à se développer et on construit une ligne ferroviaire (Leopoldina) qui acheminera le café, destiné à l’exportation, de l’hinterland situé dans les montagnes et le sud de l’état. En outre, on construit une autre voie ferrée (Vitoria-Minas) que conduira le front pionnier vers le Nord de l’état et le Minas Gerais.

1920 – 1970 : naissance de la vihttps://urbanplanet.info/wp-admin/post.php?post=1727&action=editlle moderne

La Ville et le port de Vitoria

Proximité ville et port, BR-Vitoria © Christian HORN, 2009

En 1928 a été inauguré un premier pont, connu sous le nom « Cinco Pontes »,  liant l’île de Vitoria au continent (Vila Velha). Avant, seules les liaisons par bateau permettaient d’accéder au port de Vitória. Puis, pour accompagner l’exploitation croissante des mines de fer dans le Minas Gerais, la voie ferrée Vitoria-Minas a été achevée dans les années 1940, pour pouvoir exporter le minerai depuis Vitoria. Commence alors une industrialisation qui s’intensifie jusqu’aux années 1990 sur un axe Nord-Sud, de part et d’autre de la Ville de Vitoria

Depuis 1970 : l’expansion urbaine

Dans la décennie 1970 on remblaye l’Île du Prince, proche du Cinco Pontes, ainsi que l’Enseada do Suá. Au début des années 1980 a été construit le deuxième pont qui lie Vitória, Vila Velha et Cariacica. Dans les années 1990 le troisième pont est achevé et relie l’est de Vitoria à Vila Velha. En 1985, c’est la naissance de la région métropolitaine de Vitória (RMGV) qui compte aujourd’hui 7 municipalités (Serra, Cariacica, Vila Velha, Vitória, Guarapari, Viana et Fundão) dont 4 de ces municipalités (Serra, Cariacica, Vila Velha e Vitória) forment une conurbation.

Développement métropolitain et solidarités territoriales

Analyse du site de l'équipe Vitoria Métropole 4+1

Analyse du site © Vitoria Métropole 4+1, 2009

Créée officiellement en 1985, la Région Métropolitaine du Grand Vitória (RMGV) ne possède pas de gouvernance ou d’intercommunalité approuvée, ni de ressources propres et de compétences réelles. Vitória, capitale de l’état, concentre la puissance économique et administrative de la région et de l’état. Les communes voisines de Cariacica, Serra et Vila Velha ont subi en grande partie le développement économique de Vitoria dans leur rôle de point de passage, lieu de stockage et lieu d’habitation d’une partie de la population travaillant à Vitoria. Mais des polarités et des développements divers se multiplient dans ces communes. La population de chacune de ces communes est croissante et a dépassé le nombre d’habitants de Vitoria. Serra connait depuis quelques années, un développement industriel significatif. La ville a une position stratégique au sein de l’agglomération, grâce au secteur industriel de Tubaräo, bien desservi par rapport à l’agglomération. Ce secteur mérite à lui seul une réflexion sur son extension-valorisation, mais pour l’instant il semble évoluer au coup par coup.

La question de la gouvernance se manifeste comme préambule à une redistribution économique des cartes. Un passage obligé pour libérer les collectivités de la contrainte foncière et budgétaire, et asseoir une politique commune de gestion des activités économiques, portuaires, des infrastructures et de l’habitat irrégulier. Ces points sont appelés à évoluer dans un souci de rééquilibrage et d’adéquation du territoire aux nouvelles contraintes.

Le territoire possède une géographie singulière et porteuse d’identité. Un territoire, qui reste marqué par son espace portuaire unique. Le port est un acteur principal de l’agglomération en termes d’économie et de création de trafic. Mais les quais dans la baie souffrent du manque d’espace qui engendre un éparpillement des zones logistiques et du port sec dans le territoire. La cohabitation sur un même espace d’un port actif, d’un centre historique et de quartiers est un atout et une contrainte. Le système portuaire n’est aujourd’hui pas performant, la ville et le port « urbain » se gênent mutuellement.

Analyse du site de l'équipe Vitoria Métropole 4+1

Analyse du site © Vitoria Métropole 4+1, 2009

En attendant, l’étalement urbain se poursuit en suivant les principaux axes routiers. Il est stimulé par la spéculation foncière et par la demande des zones pavillonnaires sécurisées (condominium fermés) hors de Vitória, qui reste soutenue. Des entrepôts s’installent à côté des nouvelles routes périphériques en s’approchant des zones naturelles sensibles. Les embouteillages font partie du quotidien des habitants.

Il se pose la question environnementale des canaux et de la baie comme égout à ciel ouvert des espaces urbains environnants. Situation pour autant en cours de régularisation sur la commune de Vitoria. La préservation des écosystèmes, particulièrement les mangroves et les zones inondables, est mise a mal par le développement des activités portuaires et industrielles, de la route de contournement BR101 et des différents projets de contournement de la métropole.

Pour soutenir la transformation de cette agglomération vers un espace métropolitain ayant une stratégie et une gestion commune, il parait important de regarder la solidarité territoriale de cette agglomération à travers un rééquilibrage des points de passage, de la création des richesses et de la qualité des lieux de vie, avec les questions initiales suivantes:

– Renforcer les liens et les articulations entre les deux côtés de la baie,

– Etablir une solidarité territoriale entre les communes,

– Equilibrer les activités portuaires et logistiques avec les mutations urbaines en cours,

– Améliorer l’offre et la qualité de l’habitat et des lieux de vie,

– Travailler la protection et l’intégration des espaces naturels sensibles dans le tissu urbain de l’agglomération,

– Diversifier les ressources économiques et le tissu d’entreprises,

– Clarifier les fonctions des différentes centralités de la RMGV.

Une transformation durable de cette agglomération dans un espace métropolitain nécessite une vision partagée par ses habitants et ses acteurs. Sans gouvernance intercommunale, sans la compréhension des développements en cours et la volonté commune de les orienter, l’espace urbanisé autour de Vitoria resterait une simple agglomération, géré par des intérêts de court terme, par la main invisible du marché et par la rente foncière. La gestion d’un espace métropolitain demande un positionnement clair sur les développements souhaités à moyen et long terme et la définition d’une feuille de route pour assurer les besoins fondamentaux des habitants: l’habitat, le travail, la qualité de vie urbaine et le droit de vivre dans des environnements sains. Les actions des acteurs locaux  peuvent être diverses et à multiple échelle, ampleur et ambition, avec néanmoins un point commun. Elles devront être pensées et réalisées ensemble par les habitants, les associations, les élus, les équipes municipales, l’état de l’Espírito Santo et les autres acteurs locaux – publics et privés – pour tenir à long terme.

Auteur: Christian Horn est le gérant de l’agence d’architecture et d’urbanisme rethink

Le sujet de la transformation urbaine de l’agglomération de Vitoria était le thème d’un atelier d’urbanisme international en 2009 piloté par Christian Horn pour l’association les Ateliers

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